vendredi 20 mars 2015

Eclipsé


Tiens oui, j'avais presque oublié. Il y a une éclipse demain. J'en ai pas beaucoup entendu parler. Bof, d'un autre côté, la prochaine c'est juste dans 11 ans... Je n'ai rien de prévu, je vais sans doute aller la voir.

Naturellement, là dans le métro, elle vient à mes pensées, comme souvent ces derniers jours. Et puis tiens, c'est un bon prétexte ça, une éclipse. La prochaine, c'est quand même dans 11 ans. Alors je lui écris, on pourrait se voir au détour d'une éclipse, vivre ce petit moment éphémère ensemble ?

Ca la tente bien, mais elle est occupée, la vie continue, cette vie à courir pour vivre. Tout le monde est occupé, travaille. Moi j'ai la chance de décider de ne pas travailler, juste un moment, deux petites heures. La prochaine, c'est dans 11 ans tout de même ! Tant pis, j'irai seul.

Je me lève plus tôt que d'habitude, il faut bien ce petit sacrifice pour en profiter, la prochaine c'est seulement dans 11 ans. Mais tiens, je m'attendais à de l'obscurité certes, mais pas de ce genre là : ce n'est que du gris que je vois, partout dans le ciel, et ailleurs d'ailleurs, ce gris qui se réfléchit sur le ciel, sur les murs, sur les arbres, sur le sol.

Le parvis est vide, ou presque. Il n'y a rien à voir. Que ce gris dont on ne sait distinguer les nuages de la pollution. Alors je remarque simplement quelques touristes qui se prennent en photo, parce qu'ils brandissent fièrement des lunettes, qui pourront peut-être leur servir, dans 11 ans.

Alors je tourne en rond, je guette le ciel un peu inquiet, ou déçu. Je fais attention, je n'ai pas de lunettes, moi, je pensais que l'on en distribuerait. Mais on ne se donne pas cette peine, je comprends bien qu'elles ne serviront pas de toute façon, autant les réserver pour dans 11 ans.

Alors je marche un peu, histoire de ne pas avoir l'impression d'avoir perdu ma matinée. Je jongle entre les voitures, je me sens submergé d'odeurs peu ragoutantes, de pensées peu positives, de cigarettes par-ci, de pots d'échappement par là ; des gens qui toussent un peu partout. J'en ai marre, des voitures, de la course effrénée, du temps qui s'envole, de ces petits moments rares dont on ne peut même pas profiter. Marre du gris, de tout ce monde qui avance sans regarder ce qui l'entoure.

Alors je m'imagine en sourire, de toute cette bêtise, à ses côtés. Je m'imagine allongé, tout prêt d'elle, sur ce nouveau lit qu'elle a mentionné. Elle l'a sans doute fait sans arrière-pensée, naïvement, mais moi désormais, j'ai envie de m'y allonger. Juste ça, simplement se sentir prêt d'elle, même sans se toucher. Juste pouvoir déposer un instant tout ce poids du monde qui nous écrase, et profiter de ce petit plaisir éternel de se sentir aimé. Sur ces nouvelles lattes qui accueillent nos corps avec bienveillance.

Je m'imagine chercher avec elle, l'arc-en-ciel, le soleil, les odeurs de forêt, la terre sans voiture, la prochaine éclipse (pas celle dans 11 ans), pour que cette course aie un sens, qu'aucune grisaille ne pointe le bout de son nez...

Mais non, le gris est bien toujours là.


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