samedi 18 avril 2015

Entre nos mains, sur nos lèvres






Je la vois, sans la remarquer. Elle est belle, indéniablement, mais je ne peux y prêter attention, mon cœur est ailleurs. Je lui apprends quelques astuces, c'est quand même très agréable de la voir sourire, et elle est particulièrement douée, elle s'en sort merveilleusement bien, on sent qu'elle a tout compris.

Mais non, je garde cette distance, sans me poser la question.

3 jours ont passé à peine. Le cœur a fait sa déclaration, a eu sa déconvenue, comme prévu. Il est peut-être libre désormais, qui sait.

Elle est là, je la remarque sans plus attendre, cette fois. Je ne m'attendais pas à la voir, mais je comprends que c'est une belle surprise. Elle m'échappe tout au long de la soirée, je me cantonne à l'apercevoir de loin, elle est courtisée, moi de même. Le hasard nous amène tout de même à croiser nos regards, enfin, et à partager une danse. "Ce sera ma dernière" dit-elle... Ouf.

Quelque chose d'évident et d'invisible planait déjà, là. Je ne pouvais que le sentir sans certitude, juste cette conviction incertaine et indescriptible, cette sensation d'une force inéluctable. Notre danse débute, et quelque chose de clair et de beau se met en effet en place. Il n'y a pas d'appréhension, que de la justesse et de la douceur, ma joue contre son front, nous sommes déjà à l'unisson.

"Une de plus, c'était tellement bien". Tout est dit, simplement, sans crainte ni espoir. Alors on reprend cette évidence et on virevolte aux sons éclectiques de notre DJ de la soirée, avant qu'elle ne s'éclipse pour de bon.

Ce soir, aujourd'hui, tout était là. Le sourire, l'intérêt, la musique, la spontanéité, l'imprévu, la danse, le baiser, les caresses. On en a transpiré à s'oublier, collés l'un contre l'autre, avec autant de simplicité que de beauté. Ils nous l'ont dit d'ailleurs, eux, ceux qui étaient autour de nous, qui ne pouvaient pas passer à côté de cette beauté que nous avons tenu entre nos mains et à travers nos corps, cette sensualité et cette attirance évidente. On était tout, on attirait le sourire de tous ceux qui nous regardaient, et on le leur rendait bien. A peine quelques mots et quelques mains effleurées, nous avons égayé leurs soirées par notre grâce, ils ont rendu la nôtre réelle et éternelle, par leurs sourires et leurs regards bienveillants, comme pour nous prouver qu'elle n'était pas juste dans nos rêves.

Voilà c'est juste là, entre nos mains. Il n'y a plus qu'à le faire éclore, et qui sait, durer.


vendredi 20 mars 2015

Eclipsé


Tiens oui, j'avais presque oublié. Il y a une éclipse demain. J'en ai pas beaucoup entendu parler. Bof, d'un autre côté, la prochaine c'est juste dans 11 ans... Je n'ai rien de prévu, je vais sans doute aller la voir.

Naturellement, là dans le métro, elle vient à mes pensées, comme souvent ces derniers jours. Et puis tiens, c'est un bon prétexte ça, une éclipse. La prochaine, c'est quand même dans 11 ans. Alors je lui écris, on pourrait se voir au détour d'une éclipse, vivre ce petit moment éphémère ensemble ?

Ca la tente bien, mais elle est occupée, la vie continue, cette vie à courir pour vivre. Tout le monde est occupé, travaille. Moi j'ai la chance de décider de ne pas travailler, juste un moment, deux petites heures. La prochaine, c'est dans 11 ans tout de même ! Tant pis, j'irai seul.

Je me lève plus tôt que d'habitude, il faut bien ce petit sacrifice pour en profiter, la prochaine c'est seulement dans 11 ans. Mais tiens, je m'attendais à de l'obscurité certes, mais pas de ce genre là : ce n'est que du gris que je vois, partout dans le ciel, et ailleurs d'ailleurs, ce gris qui se réfléchit sur le ciel, sur les murs, sur les arbres, sur le sol.

Le parvis est vide, ou presque. Il n'y a rien à voir. Que ce gris dont on ne sait distinguer les nuages de la pollution. Alors je remarque simplement quelques touristes qui se prennent en photo, parce qu'ils brandissent fièrement des lunettes, qui pourront peut-être leur servir, dans 11 ans.

Alors je tourne en rond, je guette le ciel un peu inquiet, ou déçu. Je fais attention, je n'ai pas de lunettes, moi, je pensais que l'on en distribuerait. Mais on ne se donne pas cette peine, je comprends bien qu'elles ne serviront pas de toute façon, autant les réserver pour dans 11 ans.

Alors je marche un peu, histoire de ne pas avoir l'impression d'avoir perdu ma matinée. Je jongle entre les voitures, je me sens submergé d'odeurs peu ragoutantes, de pensées peu positives, de cigarettes par-ci, de pots d'échappement par là ; des gens qui toussent un peu partout. J'en ai marre, des voitures, de la course effrénée, du temps qui s'envole, de ces petits moments rares dont on ne peut même pas profiter. Marre du gris, de tout ce monde qui avance sans regarder ce qui l'entoure.

Alors je m'imagine en sourire, de toute cette bêtise, à ses côtés. Je m'imagine allongé, tout prêt d'elle, sur ce nouveau lit qu'elle a mentionné. Elle l'a sans doute fait sans arrière-pensée, naïvement, mais moi désormais, j'ai envie de m'y allonger. Juste ça, simplement se sentir prêt d'elle, même sans se toucher. Juste pouvoir déposer un instant tout ce poids du monde qui nous écrase, et profiter de ce petit plaisir éternel de se sentir aimé. Sur ces nouvelles lattes qui accueillent nos corps avec bienveillance.

Je m'imagine chercher avec elle, l'arc-en-ciel, le soleil, les odeurs de forêt, la terre sans voiture, la prochaine éclipse (pas celle dans 11 ans), pour que cette course aie un sens, qu'aucune grisaille ne pointe le bout de son nez...

Mais non, le gris est bien toujours là.


samedi 14 février 2015

Rêve de voyage


Il fait chaud. Je suis bien. Repu de sommeil. Un rayon de soleil me chatouille les orteils. Ca fait du bien de se sentir léger, d’avoir abandonné ces poids et ces chaînes pour un week-end. Quitter le froid, les articles, les élèves, le bruit, la culpabilité, les débats interminables. J’inspire, j’ai toujours les yeux fermés, et je balade mes mains. Tu es là, tu m’as entendu gigoter. En un instant nos corps se sont rapprochés, se sont collés. La fameuse cuillère tant rêvée. Elle est entre mes mains maintenant. Tu peux sentir mon souffle chaud sur ton oreille. Toi aussi tu as lâché tes poids. Cette tristesse, ces peurs, ces cours, ces conférences, ces doutes. On a enfin décidé de s’abandonner, ensemble, au moins un instant. Tout est allé vite. Je l’ai dit, tu y avais pensé aussi. On a pris le premier week-end qui arrivait, la première ville chaude qui nous faisait rêver, quelques mots tapés sur un clavier, quelques centaines d’euros dépensés, tout était réglé. On s’est retrouvés, timides, effrayés par notre propre folie, on s’est envolé, et petit à petit on a senti toute cette légèreté qui nous accompagnait enfin. Alors on s’est doucement senti plus à l’aise, on a commencé à rire, et se chamailler, à s’effleurer. On atterrit, le vent nous décoiffe, le soleil nous réveille, qu’il fait bon de profiter un peu l’un de l’autre, de profiter de ce désir, de cette attirance, et de commencer à se faire confiance.
Après diner, nous savions quelle danse nous attendait. Mais rien ne pressait ; on l’avait tant attendue, rien ne pressait désormais.


Ce rêve, je l’ai fait, elle aussi. Ça aurait pu être aujourd’hui. Valentin nous aurait accompagné dans notre folie, nous aurait parsemé de rougeurs qui réchauffent les cœurs.

J’ai été le premier à fuir. Inconsciemment, méchamment, j’ai voulu la mettre à l’épreuve, lui montrer que ça n’était pas possible. Et je l’ai blessée, et convaincue.
Aujourd’hui, c’est elle qui me fuit. J’ai pourtant montré qui je suis, autant que je le pouvais, en pariant, en espérant qu’elle verrait que j’étais bon. J’étais convaincant au point que nos désirs, nos rêves ont concordé. Nos inconscients ont voyagé ensemble. Mais non, la peur, la raison, nous ont rattrapé. Les gens ont peur de vieillir parce qu’ils ont peur de voir leur corps en pâtir. Moi c’est la fuite de la petite folie qui m’effraie. C’est comme si la raison gagnait du terrain tout autour de moi, à l’intérieur de moi, aussi, et que j’étais le seul à m’en rendre compte. Faire confiance au petit ange, alors que le petit diablotin s’évapore.
Aujourd’hui je me vide. Je tente de redevenir cet ado fuyant et sans expérience, je redeviens cet ami éternellement asexué. Je ne sais exactement pourquoi. Peut-être parce que je veux me convaincre que ça pouvait marcher avec elle, que tout revient à ce jour où je l’ai faite fuir. J’aurais pu batailler sans fin, je ne pouvais plus jamais la convaincre. Alors je me lave de ce reproche, pour qu’il ne me soit plus jamais fait. Je n’ai que faire de ces chaires qui m’entourent ; elle n’a pas compris ça. Je ne l’ai pas aidée, il faut dire.
L’ironie me joue des tours. Que ce soit S.T. Garp, Barney & Ted, C. Grey, je nous vois ici et là, je suis assailli de réflexion sur la jalousie, sur les amitiés avec ses exs, sur les différences qui attirent et excitent, sur les différences qui séparent, sur ce chemin interminable et semé d’embûches, sur cet éternel retour au point de départ. Et je n’ai pas plus de réponse qui se présente à moi. Elle ne veut être qu’un beau souvenir, elle dit s’en contenter et s’en satisfaire. Tout ça est bien trop raisonnable. Moi je ne veux que des souvenirs de celle que je peux prendre dans mes bras, maintenant.
Et donc, il ne reste rien, rien que ces mots qui se doivent de sortir, et de s’envoler. Il pleut, il fait froid ; je me sens fatigué, entouré de cette grisaille parisienne qui est revenue me grattouiller le cœur.